A propos de L'Association

Alzheimer Tunisie a été fondée le 13 Mars 2006 (JORT N°24 du Vendredi 24/03/2006

Notre association, à but non lucratif, a pour objectif de Contribuer à l'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et d'apporter l'aide et l'assistance à leurs famille.

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jeudi 20 décembre 2012

Fin de vie : c'est notre société qui condamne les malades d'Alzheimer à la dépendance


Par Françoise Rouillon Orthophoniste LE PLUS. De nombreux malades d'Alzheimer nient l'existence de leur pathologie, parfois avec agressivité. Mais Françoise Rouillon, orthophoniste qui accompagne des malades, se demande si le premier déni ne viendrait pas plutôt de notre société, dont les modes de vie entraînent l'exclusion du malade et conduisent à une perte d'autonomie prématurée. Édité par Daphnée Leportois Comment aider quelqu’un qui nie avoir besoin d’aide ? Voilà la question que l’on se pose régulièrement quand on intervient auprès de patients atteints de maladies neurodégénératives de type Alzheimer ou apparentées. Pour demander voire accepter l’aide imposée, il faut d’abord accepter sa propre détérioration, reconnaître que ses performances et ses facultés à gérer le quotidien se sont dégradées et vont continuer à se dégrader inexorablement. Or c’est justement ce que ces patients se refusent à accepter. En tant qu’orthophoniste, j’interviens auprès de patients et de leurs proches. En effet, c’est un métier où l’on est souvent sollicité à un stade modéré de l’évolution de la maladie afin de stimuler les capacités cognitives et intellectuelles du patient, d'entretenir les fonctions linguistiques et de maintenir le plus longtemps possible une situation de dialogue et d’échange. Cette position privilégiée car régulière d’observateur permet de déceler, quand ils surviennent, de nouveaux symptômes ou de mesurer leur aggravation. Le rôle de l’orthophoniste est alors d’informer l’entourage, d’expliquer la raison de réactions de prime abord inconcevables, de décrire des symptômes absolument méconnus comme la non-reconnaissance des visages ou des bâtiments, la possibilité de se perdre dans un appartement. Cette connaissance permettra peut-être aux proches d’apprivoiser les symptômes au lieu de les subir et de les interpréter et, ainsi, d’éviter le plus possible de mettre le patient dans des situations difficiles. Rendre responsable des dysfonctionnements l’entourage Je suis de plus en plus fréquemment amenée à écouter les difficultés des aidants, qu’ils soient familiaux ou professionnels, et à mesurer l’importance du déni, celui du patient lui-même ou celui des proches dans l’agressivité rencontrée de part et d’autre. Les mêmes mots sortent de la bouche de ces patients : "je ne suis pas fou quand même", "tu me traites comme si j’étais un enfant", "je suis capable de vivre toute seule tout de même", "je ne suis pas une petite fille", "je ne suis pas encore bon à être enfermé", "je ne suis pas encore mort"… Ils rendent responsables de leur dysfonctionnement praxique, gnosique, linguistique ou mnésique les personnes ou les objets qui les entourent : c’est la télé ou le magnétoscope qui ont besoin d’être réparés, les piles du téléphone qui sont usées, le tire-bouchon qui est cassé, le distributeur de billets qui a avalé la carte bancaire qui est hors service, le commerçant qui ne comprend pas le français, la voisine non reconnue qui a changé de coiffure, l’ami qui a vieilli ou grossi, le conjoint qui soi-disant l’accompagnait lors d’une promenade qui est parti sans prévenir et a occasionné l’errance, etc. Le professionnel de santé, quand il reçoit le patient avec l’aidant familial, est fréquemment le témoin de l’agressivité violente du patient envers ses proches. Devant l’énoncé des difficultés croissantes, il nie, s’offusque : "C’est pas vrai ! Il ment ! Elle exagère ! Je ne sais pas ce que je fais là ! Je suis encore capable de vivre tout seul !" Les proches, partagés entre affection et rejet La souffrance des proches est alors incommensurable. Continuellement partagés entre respect de l’autonomie et nécessités de la vie quotidienne, entre sécurité et dangers potentiels, entre affection et rejet, entre laisser-faire et substitution, entre crier la réalité ou préserver le déni pour lui conserver sa dignité. Comment répondre calmement dix fois à la même question en sachant qu’il y aura une onzième fois ? Comment faire accepter que ce qu’il prend pour un abandon de la part d’un enfant ou d’un ami est en fait l’oubli de sa part d’une visite ou d’un coup de téléphone ? Comment ne pas se mettre en colère devant le manque d’hygiène ? Et comment ne pas culpabiliser ensuite de s’être emporté ? Et puis la variabilité des symptômes existe, alors les proches eux-mêmes n’ont-ils pas envie de croire qu’il ou elle le fait exprès ? Car, accepter la maladie, en plus d’assister à la détérioration d’un être cher, c’est accepter d’être amputé sans retour de ce passé commun qui ne peut plus se partager, se mettre en mots ou en photos, c’est être aspiré dans ce gouffre de l’oubli. Des phrases anodines comme "Tu te souviens ?", "Où l’as-tu rangé ?", "Il n’y a pas longtemps !" deviennent autant de phrases inutiles et violentes. Quand le patient est pris en flagrant délit de dysfonctionnement et qu’il ne peut plus décemment même pour un temps court nier ses difficultés, l’on se dit que l’on va pouvoir enfin mettre en place ensemble des aides efficaces et acceptées. Mais là il n’y a le plus souvent qu’une seule aide demandée : l’aide au suicide ! Alors le déni ne serait-il pas le plus efficace des antidépresseurs ? Nous les avons condamnés à une perte d’autonomie prématurée À force d’entendre citer les mêmes situations comme posant des problèmes d’adaptation, j’en suis venue à me demander si l’on ne demandait pas aux aidants et professionnels de santé de réparer le dysfonctionnement de la société. Devant cette patiente qui revient au cabinet car elle ne retrouve plus dans son sac les cinq codes qui lui permettent de rentrer et de circuler dans sa résidence, devant ce patient qui voit sa carte bancaire avalée par le distributeur trois fois dans le même mois parce qu’il ne réagit pas ou plus assez rapidement à des consignes écrites, je m’interroge sur le coût de ces mesures de sécurité que l’on nous vante et vend comme devant les protéger. Nous avons condamné ces patients à une perte d’autonomie prématurée, à une dépendance qui apparaît même aux stades légers et modérés de la maladie. Nous faisons reposer sur les seuls aidants le fardeau de cette prise en charge. Cette dépendance extrême et précoce, je le crains, ne pourra engendrer que violences ou enfermements hâtifs. Chaque emploi supprimé et remplacé par une machine, chaque nouvelle barrière de sécurité, chaque commerce fermé et remplacé par une boutique dans un centre commercial périphérique devraient nous donner à réfléchir aux exclusions provoquées. L’éclatement de la famille traditionnelle, l’évolution des villes vers un cloisonnement par activités, la déshumanisation de tous les services font que ces patients très rapidement ne trouvent plus leur place dans cette société basée sur la voiture et les nouvelles technologies. Leur nombre est-il en réelle augmentation ou avons-nous créé progressivement des conditions de vie qui entraînent très tôt dans l’évolution de la maladie leur exclusion qui survenait auparavant à un stade sévère ? Ces patients devraient être au cœur de la politique de la ville, pas en dehors. source: www.leplus.nouvelobs.com

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