A propos de L'Association

Alzheimer Tunisie a été fondée le 13 Mars 2006 (JORT N°24 du Vendredi 24/03/2006

Notre association, à but non lucratif, a pour objectif de Contribuer à l'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et d'apporter l'aide et l'assistance à leurs famille.

Pour nous contacter:

email: alzheimer.tunisie@gmail.com
tel: +216 98 61 39 76
adresse postale: BP N°116-Cité El Khadra-1003 Tunis
mardi 19 février 2013

Sexualité : pourquoi les malades d’Alzheimer doivent poursuivre leur vie sexuelle

LE PLUS. Parmi les films nommés pour l'Oscar du meilleur court-métrage, "Henry", du réalisateur Yan England, questionne les rapports entre maladie d'Alzheimer et couple. L'occasion pour André Dupras, spécialiste de la sexualité des personnes âgées et de celle des handicapés, de rappeler qu'une vie sexuelle active est pensable mais surtout possible pour les malades d'Alzheimer. Cette année, le film "Henry" du cinéaste québécois Yan England (2012) a été sélectionné pour l’Oscar du meilleur court-métrage de fiction. Cette œuvre dramatique raconte l’histoire d’un pianiste de 84 ans atteint de la maladie d’Alzheimer et qui cherche son épouse disparue mystérieusement : il a oublié qu’elle était décédée. Ce film annonce que la maladie d’Alzheimer transforme les relations intimes et la vie de couple. Si la médiatisation de la maladie d’Alzheimer et de ses symptômes a contribué à exorciser la peur de cette pathologie et des malades qui en souffrent, il demeure une dimension de leur vie difficile à envisager : la sexualité. Dans l’imaginaire collectif, la vie sexuelle de la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer est impensable car les troubles cognitifs viendraient accentuer le supposé désintéressement naturel des personnes âgées à l’égard du sexe. Leur sexualité deviendrait invisible comme si elle était disparue… morte. Dans ce contexte, toute expression de la sexualité par une personne atteinte d’Alzheimer est surprenante et jugée anormale. Les manifestations de la sexualité chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ne seraient pas souhaitables, d’autant qu’elles ne sont plus sous contrôle : le malade peut exprimer des désirs profonds habituellement refoulés qui échappent à la raison. Convaincus que la sexualité de ces personnes est impensable, dans le sens d’inadmissible, les acteurs sociaux s’évertuent donc à "asextiser" leur environnement. Pérenniser la sexualité : l’affectivité peut ne pas suffire Au début de la maladie, l’intérêt sexuel persiste pour s’émousser graduellement et souvent disparaître à la dernière étape de son évolution. L’augmentation de l’intérêt sexuel plaît à certains conjoints, mais déplaît à d’autres. Citons le cas d’une femme qui trouve désagréable les avances de son mari atteint de la maladie d’Alzheimer qui a oublié l’étreinte sexuelle pratiquée quelques minutes auparavant. Parfois la maladie change la relation sexuelle. Le malade ne réussit pas toujours à répondre aux exigences d’un échange mutuel et réciproque lors de la rencontre sexuelle. Se souviendra-t-il comment faire l’amour d’une manière à satisfaire sa partenaire ? La maladie d’Alzheimer s’accompagne aussi parfois d’une insatisfaction sexuelle (perte d’érection et manque de désir) causée notamment par des troubles physiques et psychologiques. Des médicaments peuvent aggraver cet inconfort sexuel. Ces difficultés découragent des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer à poursuivre leur vie sexuelle. Ne sachant pas s’ils comprendront leur malaise, il n’est pas toujours facile d’en discuter avec des professionnels. En outre, les comportements sexuels des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer sont souvent interprétés comme un moyen d’exprimer leur affectivité sans présenter de motivation réellement sexuelle. Ces personnes ont constamment besoin d’être rassurées, car elles vivent dans un état d’inquiétude permanent. Ce sentiment d’insécurité les incite à développer une forte dépendance envers les proches et à rechercher des liens fusionnels. Il faut apaiser leur état d’anxiété par une communication non seulement verbale, mais surtout par des gestes d’affection (toucher, caresser, embrasser, câliner). L’affectivité est alors privilégiée par les dispositifs institutionnels, au détriment de la sexualité. On instaure un climat familial, propice à la circulation de l’affectivité, mais qui fait de la sexualité un tabou. Mais se tenir par la main et s’embrasser sur les joues suffit-il à les combler ? Des soignants arrivent à oublier que les personnes atteintes de maladie d’Alzheimer ont une vie sexuelle qui perdure jusqu’à la fin de leur vie. Or la vie sexuelle répond à des besoins que l’affectivité ne réussit pas à combler complètement. Il est donc primordial de les maintenir dans le champ de la sexualité. Pourtant, l’expression de la vie sexuelle des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer est souvent perçue comme problématique, comme un risque de perturbation du fonctionnement aussi bien des résidents que des intervenants. Adoptons alors une pensée positive et reconnaissons les bienfaits qu’apporte l’exercice de la sexualité pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Le maintien de l’intérêt sexuel constitue une façon d’assurer une continuité avec le passé et de poursuivre son développement sexuel jusqu’à la fin de sa vie. Au lieu d’arrêter et d’oublier sa sexualité, la personne continue à la vivre en acceptant et en s’ajustant aux modifications induites par le vieillissement et la maladie. Une vie sexuelle active renforce chez des personnes l’estime et l’image de soi du fait qu’elles ont réussi à conserver vivant un aspect de leur vie. Ainsi, la vie sexuelle contribue à la qualité de vie de la personne, en ce qu’elle constitue un facteur d’épanouissement individuel et social. Résoudre des dilemmes éthiques : le principe de non-malfaisance Mais les soignants ont tendance à percevoir le comportement sexuel des malades comme perturbant l’ordre institutionnel et incommodant les autres résidents. Car les troubles cognitifs des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer induisent parfois des comportements sexuels inappropriés. Des malades cherchent à satisfaire des pulsions sexuelles partielles, notamment vouloir embrasser ou prendre dans leurs bras un membre de l’équipe soignante ou un étranger, s’allonger dans le lit d’un autre résident, avoir une érection lors de la toilette ou d’un soin, se promener dévêtus en exposant leurs parties génitales. Des professionnels peuvent se sentir démunis face à ces comportements et médicalement empêcher ces expressions jugées malsaines de la sexualité. Considérés incompétents à assumer convenablement leur vie sexuelle, les malades sont disqualifiés en subissant une exclusion des échanges sexuels. Leur vie sexuelle est marginalisée, ces personnes sont mises à l’écart des échanges sexuels et sont condamnées à la solitude. Les soignants sont aussi confrontés à des dilemmes éthiques. Le film canadien "Loin d’elle" ("Away From Her") de la réalisatrice Sarah Polley (2007) raconte l’histoire d’une femme (Fiona), atteinte de la maladie d’Alzheimer, qui est accueillie dans un centre de soins spécialisés. Elle ne reconnaît plus son mari (Grant) et tombe amoureuse d’un autre résident (Aubrey). Cette situation se présente également dans la réalité d’aujourd’hui : doit-on informer le conjoint ou respecter la vie privée de la résidente ? doit-on acquiescer à la demande du conjoint de les séparer ou à celle de la résidente de poursuivre la relation ? Pour résoudre ces dilemmes, les professionnels se réfèrent à une éthique appliquée qui les aide à chercher et à trouver des éléments de réponses. La réflexion éthique prend en considération les besoins singuliers en procédant au cas par cas. Le principe éthique de non-malfaisance considère que les bénéfices d’une action l’emportent sur les maux. Dans le cas mentionné, des soignants jugeront plus bénéfique de sauvegarder le lien conjugal, parce qu’il procure un soutien affectif à la résidente et un équilibre psychologique au conjoint. Pour éviter le mécontentement du conjoint et un conflit conjugal, les soignants décideront d’arrêter la relation extraconjugale. La personne brimée et son nouveau partenaire subiront-ils des séquelles de cette séparation ? Des professionnels jugeront que la résidente sera peu affectée par l’arrêt de cette relation car elle oubliera rapidement son nouvel amoureux. Mais, dans le film "Loin d’elle", la séparation a pour effet de détériorer gravement la santé physique et psychologique de Fiona, à un point tel que Grant, le mari, doit se positionner. Il décide de partir à la recherche d’Aubrey pour réactiver la relation et tenter de redonner le goût de vivre à son épouse. Ainsi des personnes acceptent les relations extraconjugales de leur conjoint atteint de la maladie d’Alzheimer en les justifiant par le principe de bienfaisance qui valorise le bien-être de la personne. Dans ce contexte, une opposition des soignants irait à l’encontre de leurs droits sexuels et constituerait un abus de pouvoir. Trouver un équilibre entre la sécurité et la liberté Car il est nécessaire de s’assurer du consentement des patients engagés dans une relation sexuelle. Dans une institution gériatrique, il arrive qu’un soignant découvre au petit matin deux résidents couchés dans le même lit. Généralement, la sécurité prédomine sur l’intimité parce que les soignants ont la responsabilité de protéger le malade qui leur est confié contre les risques d’abus. Des familles ont accusé des institutions de négligence ou d’échec à protéger leur parent contre les agressions sexuelles. Un processus d’évaluation de la capacité à consentir à une activité sexuelle devrait permettre de savoir si la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer est capable d’exprimer ses désirs sexuels et d’envisager les bénéfices de les actualiser, d’être consciente de la nature, des conséquences et des risques possibles de la relation sexuelle, d’utiliser des moyens sécuritaires et d’éviter l’exploitation sexuelle en refusant des avances indésirables. La liberté de l’individu, autre principe éthique, entre en conflit avec celui de la sécurité. Or il est difficile pour un malade atteint d’Alzheimer de préserver sa liberté sexuelle, c’est-à-dire d’avoir la possibilité de s’engager dans une activité sexuelle sans contrainte, dans un milieu de vie fermé qui surveille constamment les résidents pour assurer leur protection. Un malade qui montre un intérêt sexuel risque d’être encore plus surveillé pour le contrôler, voire l’empêcher de passer à l’acte. En voulant protéger les résidents, l’institution peut augmenter leur dépendance. L’autonomie des résidents atteints de la maladie d’Alzheimer est un objectif difficile à réaliser. Au lieu de rendre le résident le plus autonome possible, des soignants exigent une soumission à leurs décisions concernant l’expression de la sexualité. Le respect de son droit à la liberté sexuelle est aussi important que sa sécurité. Les professionnels doivent accompagner les résidents désireux d’avoir une vie sexuelle active en les aidant à exprimer leurs désirs, en favorisant des rencontres et des échanges intimes qui s’avèreront sécuritaires et discrets. Il importe d’assurer la plus grande protection possible au résident atteint de la maladie d’Alzheimer tout en respectant ses droits sexuels. Il n’est pas facile d’accepter que la maladie d’Alzheimer a changé la personne, qu’elle est différente de ce qu’elle était avant la maladie. Si des proches finissent par ne plus la reconnaître comme un être humain, il devient d’autant moins pensable de la considérer comme un être sexué ayant des attirances sexuelles et souhaitant une relation affective. Pourtant, il est encore "en vie" malgré ses absences ; il demeure animé par des désirs devant être assouvis dans la dignité. Actualiser sa vie sexuelle suppose qu’il soit reconnu comme un être vivant… avec les autres. N’oublions pas que, la sexualité, c’est la vie ! source:www.leplus.nouvelobs.com

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire